Jacek Woźniak, né le à Cracovie (Pologne) est un dessinateur, illustrateur, peintre et caricaturiste.
Biographie
Fils de Zofia et Julian Woźniak, Jacek Woźniak baigne très tôt dans le milieu de la presse et de l’art. Son père était un journaliste – écrivain de renom, sa sœur travaille également comme
reporter.
Il passe une bonne partie de sa scolarité dans la ville de Rzeszów où sa famille réside. Les années lycée seront la
première étape de son émancipation artistique. C’est avec Krzysztof Pleśniarowicz qu’il fonde son premier journal : la gazette satirique « Tegoryjec ». Grand ami de la famille
Wozniak, Zygmunt Czyż, un graphiste de
Rzeszów, l’aidera quant à lui au niveau du développement artistique.
Après le bac, Jacek retourne à Cracovie où il suit les cours des Beaux-Arts. Le conflit avec
l’un de ses professeurs se conclut avec le renvoi de Woźniak.
Débuts
professionnels
Véritable autodidacte, il persévère et propose rapidement ses premières expositions de dessin et de peinture dans les villes de Cracovie et de Buffalo aux États-Unis. En
parallèle, il enchaîne les collaborations les plus diverses. Il travaille ainsi avec plusieurs troupes de théâtre étudiant pour lesquels il développera mise en scène, costumes et campagne
d’affichage. C’est à cette époque que commence une fructueuse et longue collaboration avec le groupe de jazz/rock cracovien « Laboratorium ». Il organise avec eux une série
d’expo-concerts à Rzeszów. Le dernier en date avec la contribution de Zygmunt Czyż(pl).
C’est également à cette époque qu’il publie ses premiers dessins de presse dans « Student ». Viendront ensuite plusieurs collaborations avec bon nombre de journaux tels que
Prometej, Życie Literackie , ou encore Karuzela . C’est alors que l’influent journal Polityka
l’engage en qualité de dessinateur.
En 1980 en pleine période de crise du système communiste dans les pays de l’Est, il participe activement à l’élaboration de bulletins
de presse de « Solidarność ». Il contribue également à la publication d’affiche de propagande pour
de nombreuses manifestations grévistes.
En parallèle, il fonde également le premier journal satirique indépendant « Wryj » (littéralement « dans ta gueule ») dans lequel il publie régulièrement articles et
caricatures sous son nom, ainsi que sous de nombreux pseudonymes.
En cette grave période de répression les idées et les actions de Wozniak dérangent. Il est arrêté en décembre
1981 lors de l’état de siège. Il sera
libéré 3 mois plus tard contre la promesse de quitter définitivement la Pologne. À la fin des années 1980, le mouvement de révolte entamé par les Polonais envahit toute l’Europe et le bloc
communiste chute.
En France
En juin 1982, il débarque à Paris, où il a obtenu
l’asile politique, accompagné de sa femme et de ses deux enfants. Il y réside encore
aujourd’hui. Il ne remet les pieds en Pologne que douze ans après les faits à la suite de l’obtention de la nationalité française.
Wozniak commence par travailler pour le groupe Arrco où il dessine pour les bulletins d’info, il y élabore
diverses affiches, mais il s’y attelle également à des taches moins créatives puisqu’il y distribue le courrier et arrose les plantes.
L’année 1986 reste un tournant professionnel dans la carrière de Wozniak. Il publie en effet son premier dessin pour Le Canard enchaîné. Après un an où il y officie en qualité de pigiste, il devient salarié à part
entière du journal satirique. Il y travaille encore aujourd’hui et chaque semaine, il y illustre la rubrique cinéma, ainsi que l’actualité politique. S’enchaînent depuis de nouvelles
collaborations ponctuelles avec Le Monde, Le Monde diplomatique, Le Nouvel
Observateur, Témoignage chrétien,
Der Frau, Courrier international.
Véritable boulimique de travail, l’artiste réalise de nombreuses affiches pour le Conseil de
l'Europe, pour des festivals de jazz, des associations humanitaires ou autres événements culturels. Il prend également part à l’élaboration de clips musicaux (Manu Chao, Akli D), d’illustration de pochettes de disque (La Radiolina de Manu Chao, Archie Shepp, …), travaille avec France 2 pour le dessin animé Les Durs du Mur, réalise plusieurs films d'animation pour AIDES.
Au-delà des aspects médiatiques de sa profession, Wozniak n'a jamais cessé de peindre. Il a notamment eu le privilège de présenter bon nombre de ses œuvres lors d'une exposition gigantesque d'un
an à La Fondation Miro à Majorque (juin 2013 - mai 2014)2
Il est intimement lié au monde de la musique puisqu'au delà de son travail commun avec le musicien Archie Shepp et Manu Chao (voir les rubriques suivantes), il travaille également à des
projections live de dessins pendant les concerts avec le batteur de jazz Ramon Lopez ou encore le musicien malgache Justin Vali avec le soutien de l'IRCAM ( Institut de Recherche et Coordination
Acoustique et Musique de Paris ).
Wozniak collabore depuis de nombreuses années avec la Philharmonie de Paris pour laquelle il réalise des affiches, dessins animés, et illustrations de podcast.
Depuis une dizaine d'années il crée et compose les affiches et les visuels du festival " Jazz à Porquerolles ".
C'est à la suite d'un dessin de Wozniak sur l’ancien chanteur de la Mano Negra paru dans Le Monde que Ramon Chao, père du musicien entre en contact avec le dessinateur. C'est donc le père, écrivain–journaliste à
RFI, qui présente les deux hommes.
Wozniak se propose tout d'abord d'illustrer quelques textes du musicien dans l'idée d’agrémenter la page Internet de ce dernier3. Ne voulant pas s'arrêter en si bon chemin, l'idée prend rapidement la forme du livre/CD : « Sibérie m'était contée » (édition « Mille
Paillettes ») lequel n'est paru qu'en France en deux étapes. Tout d’abord sous une forme allégée de 48 pages et d'un CD 6 titres, puis dans sa version définitive de 148 pages avec un CD 21
titres. L'objet aujourd’hui en rupture de stock fait le bonheur des collectionneurs.
Leur fructueuse collaboration a aussi pris la forme d'une série de clips animés, dont quelques-uns uns réalisés pour la sortie du nouvel album de manu Chao « la Radiolina ».
Plus récemment encore, ils ont peint une série de tableaux sous le pseudonyme Manwoz. Des tableaux exposés en 2007 à Barcelone (Espagne) et à Perpignan,Inka Mallorca 2010,Buenos Aires 2015,Suisse 2015
C’est en l’an 2000 que Wozniak fait la connaissance du légendaire créateur du free jazz, Archie Shepp. Le défenseur de la lutte
anti-communautariste avait alors en charge la bande originale, d’un film d’animation réalisé par Wozniak (projet caritatif commandé par l’association humanitaire AIDES). C’est lors de la
promotion du film, et après avoir visionné ensemble le résultat final que les deux hommes prennent la décision de retravailler ensemble. Ils collaborent notamment sur Ceremonia, film
d’animation de 11 minutes sur le cycle de la vie et de la mort. Wozniak signe également l’illustration des pochettes de disque du jazzman (First Take, Kindred Spirit, Gemini, Phat Jam, Wo!man …)
Avec les dessins en direct sur le grand ecran, Wozniak participe au spectacle PhatJam d'Archie Shepp, Napoleon Maddox et Is What.
CABU
Amis de trente ans, ils se sont rencontrés dans la rédaction du Canard Enchaîné. Les deux dessinateurs collaborent régulièrement et dessinent souvent à quatre mains. Ensemble, ils publient
notamment le livre " Les impubliables " aux éditions de L'Archipel.
Wozniak était également le coloriste attitré de Cabu.
En 1998, avec l'aide de quelques autres amis caricaturistes ils fondent le premier site satirique de dessin Scorbut.eu , qui continue de dessiner et d'exposer.
Manwoz
Personnage haut en couleur né de l’imagination de Wozniak et Manu Chao. La biographie officielle de ce drôle de personnage le décrit ainsi :
Né dans les lointaines plaines d’Ukraine en 1959, près du
sinistre Tchernobyl. Seul garçon d’une famille nombreuse. Un père galicien, une mère de tavern, très jeune Manwoz perd goût au monde qui l’entoure, l’école
l’ennuie, sa famille l’ennuie. A 15 ans, il décide de parcourir le globe, en quête des …. Disparues. Et depuis il cherche, Il cherche, Et il cherche …
Expositions
Barcelona 2007 Perpignan 2007 Guadalajara (Mexique) 2009 Inca (Mallorca) 2010 Buenos Aires 2015 Montricher (Suisse) 2015
Dessinateur de presse français d’origine polonaise (Cracovie 1954).
Témoignant très tôt de son goût pour la caricature (il crée une gazette satirique, Tegoryjec, dès le lycée), il étudie les beaux-arts avant de travailler avec
diverses troupes de théâtre, pour lesquelles il conçoit costumes et campagnes d’affichage, ainsi qu’avec un groupe de jazz rock. Après avoir publié ses premiers dessins de presse dans
Student, il intègre l’équipe de Polytyka, journal soumis – comme tous les organes de presse dans la Pologne communiste – à la censure. Il forge alors son style, tout en
symboles et décalé, la situation politique ne lui permettant pas de critiquer ouvertement les autorités. Dessinant des bulletins pour Solidarność, fondateur du premier journal satirique polonais
indépendant (Wryj, signifiant « Plein la gueule »), il déplaît toutefois au pouvoir et est emprisonné en décembre 1981 lors de « l’état de guerre » instauré par
Wojciech Jaruzelski.
Libéré trois mois plus tard à la condition qu’il quitte le territoire, il obtient l’asile politique en France et s’installe à Paris avec sa
famille (1982). Nationalisé français quelques années plus tard, il se fait une place de choix dans la presse hexagonale, travaillant notamment pour la Croix, le Point,
Libération ou V.S.D., avant de devenir l’une des plumes les plus sagaces du Canard enchaîné, où il illustre depuis 1986 l’actualité politique et la rubrique cinéma.
Peintre et affichiste, collaborant ponctuellement au Monde, au Nouvel Observateur et à Courrier international, il a réalisé des clips musicaux, des pochettes de disque
(Manu Chao, Archie Shepp) et a participé à l’édition anniversaire 2010 du Petit Larousse en illustrant des mots de la langue française.
LES ARTS DESSINES juin2023
Wožniak: «Nous vivons dans une société aseptisée, pas assez sceptique»
Wožniak: «Nous vivons dans une société aseptisée, pas assez sceptique» 15 décembre 2021 : NOUS VIVONS-DANS-UNE-SOCIETE-ASEPTISEE-PAS-ASSEZSCEPTIQUE Cartooniste vedette du « Canard enchaîné » depuis 35 ans, Wožniak dessine les hauts et les bas de l'humanité d'un coup de crayon où la satire de l'un et le respect de l'autre communient dans un même éclat de rire.
L e 7 janvier 2015, les kalachnikov entrent à la rédaction de Charlie Hebdo et tirent à balles réelles sur la liberté de rire et de penser. Avant de succomber à l'intolérance, le « Crayon d'or » de l'hebdomadaire, Cabu, avait eu la prémonition du drame dans un brûlot, Peut-on (encore) rire de tout Son ami Wožniak lui répond aujourd'hui en publiant Peut-on rire du tout ? , un manifeste du dessin de presse irrévérencieux, où l'auteur compile 35 ans d'actualité. D'un coup de crayon taillé en pointe du politiquement incorrect, Wožniak montre combien les méfaits et les errements d'hier sont toujours ceux d'aujourd'hui. Il nous parle, sans masque, de sa vision acidulée du monde. Vous avez débuté votre carrière en 1980, en dessinant pour Solidarnosc, avant d'être contraint à l'exil. La liberté de la presse semble à nouveau menacée en Pologne. Ça vous inquiète ? La liberté n'est jamais donnée pour toujours. C'est un combat quotidien où l'on ne doit rien lâcher. En Pologne, dans ma jeunesse, un censeur du parti communiste vérifiait tous les articles et les dessins avant publication. Du coup, les dessinateurs avaient inventé un langage symbolique pour contourner tout ça, un peu comme dans les fables de La Fontaine… On faisait dela critique et de l'ironie indirectes. Quand je suis arrivé en France, en 1982, j'avais l'impression que la liberté d'expression était totale. Ce n'était pas tout à fait vrai non plus car il existait une forme de censure financière dans la presse. Il importe donc, en Pologne comme ailleurs, de rester vigilant. On ne réfléchit pas assez et c'est le propre de l'homme, que de s'habituer à tout ! Quand la censure ou la dictature s'installent et que l'on pense à se révolter, il est souvent trop tard parce qu'on a déjà accepté l'inacceptable sans même s'en rendre compte… Nous vivons dans une société aseptisée et pas assez sceptique. Après 35 ans de cartoons dans « Le Canard enchaîné », quel regard jetez-vous sur l'évolution du monde ? Les drames humains se suivent et se ressemblent. Dans mon travail, je m'intéresse à la vie des gens, plutôt qu'aux grands hommes et aux petites phrases politiques. Ce qui me marque, c'est que quand je suis arrivé en France, j'ai vu des personnes dormir dans des cartons sur les trottoirs. Ça n'existait pas en Pologne. En 2021, ils n'habitent plus dans des cartons mais vivent sous des tentes et il y en a beaucoup plus ! Je veux dire par là, que si le décor a changé, les problèmes du monde restent les mêmes. Emmanuel Macron avait promis que s'il était au pouvoir, on ne dormirait plus dans la rue. Mais la solution du pro- 1 blème n'était pas de donner une tente à chacun des sans domicile fixe. C'est le fonctionnement de la société qu'il faudrait changer. Vous vous êtes toujours intéressé davantage aux anonymes, aux « sans-dents » comme les appelait François Hollande, plutôt qu'aux hommes de pouvoir ? Il n'y a plus de grands hommes politiques aujourd'hui. Je n'en vois pas beaucoup, en tout cas, qui mériteraient un dessin ! Ils pensent trop à eux avant de penser au peuple. C'est la raison pour laquelle je préfère dessiner les plus démunis, les mal logés, les migrants… Vous avez tout de même dessiné une partie de l'anatomie d'un nabab hollywoodien dans « L'origine du monde selon Wenstein » ? On était en pleine émergence du mouvement #MeToo. Le producteur Harvey Wenstein était pris dans une tempête médiatique à propos des accusations d'abus sexuels. Je suis tombé sur le célèbre tableau de Gustave Courbet, L'Origine du monde… et le dessin est venu tout seul. Je n'ai pas fait d'esquisse. J'aime travailler de cette manière. Vous avez signé beaucoup de dessins sur l'obscurantisme religieux, d'où qu'il vienne. C'est un sujet de plus en plus tabou depuis les attentats contre « Charlie Hebdo » ? On vit dans la régression. Depuis Charlie, on se demande sans cesse quelles peuvent être les conséquences d'un dessin et pourquoi. Le problème vient du fait que pour qu'une caricature soit comprise et acceptée, il faut que le niveau culturel du public soit assez homogène. Or ce n'est plus le cas aujourd'hui. A mon sens, il s'agit dès lors d'un problème de société, avant d'être un problème de dessin. Il faut réapprendre l'art du dialogue, sinon on risque de finir par ne plus dessiner du tout ! Ce qui est arrivé avec Charlie Hebdo dépasse la question religieuse. C'est un problème qui concerne l'humanité tout entière : peuton encore vivre côte à côte ? Je me souviens d'un homme de théâtre polonais, originaire d'un petit village où toutes les religions se côtoyaient. Dans sa jeunesse, les uns faisaient la fête le samedi et les autres le dimanche.C'est devenu impossible. Votre livre se dresse aussi contre les bavures judiciaires et policières. Vous avez le sentiment que la répression s'est durcie ? Je me rappelle du premier Robocop ce très mauvais film de science-fiction sorti en 1987, dont les images sont devenues, en partie, réalité. Pourtant, je ne crois pas que les manifestants soient plus violents aujourd'hui qu'hier. Il est clair qu'on a besoin de policiers mais pas de policiers violents. Plus la société évolue technologiquement, plus elle semble se rétrécir humainement. Je pense que la civilisation telle qu'on l'a connue est en train de disparaître. A contre-courant de la tradition française du dessin de presse, vous fuyez toute forme d'hyper-sexualisation du trait. Quelle est votre vision de la représentation de la femme ? La femme a longtemps été privée de ses droits ou traitée comme une poupée. Les choses bougent mais elle n'a pas encore acquis sa place naturelle dans la 2 https:/Wožniak: «Nous vivons dans une société aseptisée, pas assez sceptique» mercredi 15 décembre 2021 01:28 50 mots - < 1 min : HTTPS://WWW.LESOIR.BE/412510/ARTICLE/2021-12-15/WOZNIAK-NOUS-VIVONS-DANS-UNE-SOCIETE-ASEPTISEE-PAS-ASSEZSCEPTIQUE Cartooniste vedette du « Canard enchaîné » depuis 35 ans, Wožniak dessine les hauts et les bas de l'humanité d'un coup de crayon où la satire de l'un et le respect de l'autre communient dans un même éclat de rire. Article réservé aux abonnés L e 7 janvier 2015, les kalachnikov entrent à la rédaction de Charlie Hebdo et tirent à balles réelles sur la liberté de rire et de penser. Avant de succomber à l'intolérance, le « Crayon d'or » de l'hebdomadaire, Cabu, avait eu la prémonition du drame dans un brûlot, Peut-on (encore) rire de tout Son ami Wožniak lui répond aujourd'hui en publiant Peut-onrire du tout ? , un manifeste du dessin de presse irrévérencieux, où l'auteur compile 35 ans d'actualité. D'un coup de crayon taillé en pointe du politiquement incorrect, Wožniak montre combien les méfaits et les errements d'hier sont toujours ceux d'aujourd'hui. Il nous parle, sans masque, de sa vision acidulée du monde. Vous avez débuté votre carrière en 1980, en dessinant pour Solidarnosc, avant d'être contraint à l'exil. La liberté de la presse semble à nouveau menacée en Pologne. Ça vous inquiète ? La liberté n'est jamais donnée pour toujours. C'est un combat quotidien où l'on ne doit rien lâcher. En Pologne, dans ma jeunesse, un censeur du parti communiste vérifiait tous les articles et les dessins avant publication. Du coup, les dessinateurs avaient inventé un langage symbolique pour contourner tout ça, un peu comme dans les fables de La Fontaine… On faisait de la critique et de l'ironie indirectes. Quand je suis arrivé en France, en 1982, j'avais l'impression que la liberté d'expression était totale. Ce n'était pas tout à fait vrai non plus car il existait une forme de censure financière dans la presse. Il importe donc, en Pologne comme ailleurs, de rester vigilant. On ne réfléchit pas assez et c'est le propre de l'homme, que de s'habituer à tout ! Quand la censure ou la dictature s'installent et que l'on pense à se révolter, il est souvent trop tard parce qu'on a déjà accepté l'inacceptable sans même s'en rendre compte… Nous vivons dans une société aseptisée et pas assez sceptique. Après 35 ans de cartoons dans « Le Canard enchaîné », quel regard jetez-vous sur l'évolution du monde ? Les drames humains se suivent et se ressemblent. Dans mon travail, je m'intéresse à la vie des gens, plutôt qu'aux grands hommes et aux petites phrases politiques. Ce qui me marque, c'est que quand je suis arrivé en France, j'ai vu des personnes dormir dans des cartons sur les trottoirs. Ça n'existait pas en Pologne. En 2021, ils n'habitent plus dans des cartons mais vivent sous des tentes et il y en a beaucoup plus ! Je veux dire par là, que si le décor a changé, les problèmes du monde restent les mêmes. Emmanuel Macron avait promis que s'il était au pouvoir, on ne dormirait plus dans la rue. Mais la solution du pro- 1 blème n'était pas de donner une tente à chacun des sans domicile fixe. C'est le fonctionnement de la société qu'il faudrait changer. Vous vous êtes toujours intéressé davantage aux anonymes, aux « sans-dents » comme les appelait François Hollande, plutôt qu'aux hommes de pouvoir ? Il n'y a plus de grands hommes politiques aujourd'hui. Je n'en vois pas beaucoup, en tout cas, qui mériteraient un dessin ! Ils pensent trop à eux avant de penser au peuple. C'est la raison pour laquelle je préfère dessiner les plus démunis, les mal logés, les migrants… Vous avez tout de même dessiné une partie de l'anatomie d'un nabab hollywoodien dans « L'origine du monde selon Wenstein » ? On était en pleine émergence du mouvement #MeToo. Le producteur Harvey Wenstein était pris dans une tempête médiatique à propos des accusations d'abus sexuels. Je suis tombé sur le célèbre tableau de Gustave Courbet, L'Origine du monde… et le dessin est venu tout seul. Je n'ai pas fait d'esquisse. J'aime travailler de cette manière. Vous avez signé beaucoup de dessins sur l'obscurantisme religieux, d'où qu'il vienne. C'est un sujet de plus en plus tabou depuis les attentats contre « Charlie Hebdo » ? On vit dans la régression. Depuis Charlie, on se demande sans cesse quelles peuvent être les conséquences d'un dessin et pourquoi. Le problème vient du fait que pour qu'une caricature soit comprise et acceptée, il faut que le niveau culturel du public soit assez homogène. Or ce n'est plus le cas aujourd'hui. A mon sens, il s'agit dès lors d'un problème de société, avant d'être un problème de dessin. Il faut réapprendre l'art du dialogue, sinon on risque de finir par ne plus dessiner du tout ! Ce qui est arrivé avec Charlie Hebdodépasse la question religieuse. C'est un problème qui concerne l'humanité tout entière : peuton encore vivre côte à côte ? Je me souviens d'un homme de théâtre polonais, originaire d'un petit village où toutes les religions se côtoyaient. Dans sa jeunesse, les uns faisaient la fête le samedi et les autres le dimanche. C'est devenu impossible. Votre livre se dresse aussi contre les bavures judiciaires et policières. Vous avez le sentiment que la répression s'est durcie ? Je me rappelle du premier Robocop ce très mauvais film de science-fiction sorti en 1987, dont les images sont devenues, en partie, réalité. Pourtant, je ne crois pas que les manifestants soient plus violents aujourd'hui qu'hier. Il est clair qu'on a besoin de policiers mais pas de policiers violents. Plus la société évolue technologiquement, plus elle semble se rétrécir humainement. Je pense que la civilisation telle qu'on l'a connue est en train de disparaître. A contre-courant de la tradition française du dessin de presse, vous fuyez toute forme d'hyper-sexualisation du trait. Quelle est votre vision de la représentation de la femme ? La femme a longtemps été privée de ses droits ou traitée comme une poupée. Les choses bougent mais elle n'a pas encore acquis sa place naturelle dans la société. Plutôt que de caricaturer les femmes, je les dessine à l'intuition, avec
un regard humain et respectueux. Je ne cherche jamais à camper des femmes
objets, sauf s'il s'agit de dénoncer le machisme !
Au Canard enchaîné depuis 1986, c’est un regard impitoyable, non dénué de tendresse, toujours enlevé, porté sur l’actualité
Virevoltants dessins de Wozniak
d'Lëtzebuerger Land du 17.12.2021
Le journal satirique paraissant, comme on sait, le mercredi, c’est ce jour-là que tu l’ouvres toutes les semaines d’abord à la rubrique de cinéma. Non pas pour savoir quels films sont sortis,
quel film a été choisi pour une critique qui, si elle ne s’appesantit jamais, va droit à l’essentiel, dans un choix heureux, percutant, des mots, des formules. Non, c’est en premier pour le
dessin qui accompagne, de Wozniak, le dessinateur né à Cracovie, arrêté, emprisonné à l’époque de Solidarnosc. Libéré contre la promesse de quitter définitivement la Pologne. Wozniak a
débarqué à Paris en 1982. Depuis 1986, le voici au Canard enchaîné, avec ses dessins virevoltants. Et il faut commencer par saluer un allant, un entrain, il y aurait eu, en plus d’une
trentaine d’années, de quoi baisser les bras, plumes et crayons. Tellement l’actualité se répète, décourageante, désespérante.
« Peut-on rire de tout ? », le livre qui vient de paraître au Seuil, reprend donc trente-cinq ans de dessins, il s’ouvre sur la réaction de Wozniak à l’attentat de Charlie
Hebdo, et si Cabu alors posait la question si l’on pouvait (encore) rire de tout, Wozniak va plus loin, se demandant radicalement si l’on peut rire du tout. Certes, les larmes viendraient
vite, car de suite il est question des migrants, « on part dans un noyage » : au début des années 1980, il y eut les boat people déjà. Comme si le monde ne changeait pas. Il y
a une semaine ou deux, un dessin de Wozniak montrait le pape à Lesbos, on l’a entendu réclamer qu’on arrête « ce naufrage de civilisation ». On le voit penché, visiblement dépité,
abattu, vers une ribambelle de jeunes migrants, ils viennent maintenant d’Afrique. Et eux de demander au souverain pontife : Pourquoi nous on ne peut pas marcher sur l’eau ?!?
Retour à la rubrique de cinéma de l’autre semaine. Là encore, de quoi perdre son optimisme, s’il n’y avait pas justement le film de Serebrennikov, le courage, ou osons le mot de résistance,
du réalisateur russe, assigné à résidence, réussissant quand même à faire des films, à mettre en scène, à distance, Wagner pour la Wiener Staatsoper, Chostakovitch pour Munich. Pour ne citer
que ses derniers travaux. La Fièvre de Pétrov, dit le titre de son film qui vient de sortir (et on espère qu’il trouvera le chemin jusqu’à nous). Une plongée dans l’enfance, selon le
critique. Bien plus, dans « la Russie post-soviétique, hanté(e) par les cauchemars de l’Histoire et tenu(e) par un régime sans espoir ». Le film a été montré à Cannes, Serebrennikov
bien sûr était absent. « Il a mis la fièvre à Poutine… Et il le paie encore. »
Le livre de Wozniak est une autre plongée, par la force des choses, des données du dessin de presse, dans les trois, quatre dernières décennies. Dans les soubresauts de l’Histoire, les
souffrances d’un monde comme il va mal, dans les tribulations, les errances d’une société en perte ou quête de repères. Et parmi les dessinateurs, Wozniak compte parmi ceux qui ont l’œil le
plus lucide, le plus acéré ; en même temps leur implacabilité est compensée par l’humour, même s’il s’avère noir, par l’enjouement du trait, la fougue de la patte. À pareil niveau, si le
dessin tient tant soit peu de la thérapie, il n’arrête pas de confronter avec l’inacceptable.
À la mort de Charles Trenet, Cabu qui était un grand admirateur du chanteur et aimait sa candeur, un lundi, jour de bouclage du Canard enchaîné, encourageait Wozniak à dessiner quelque chose.
Lui, peu sensible à Trenet, se trouvait embêté. Et le voici entendant Cabu murmurer les refrains du Fou chantant, d’en détourner les paroles, pas besoin d’insister sur ce que devenaient la
mer ou la douce France, cher pays de mon enfance…
Sur la couverture du livre, ils sont trois à s’interroger sur le rire, sa possibilité, un prêtre, un imam, un rabbin. On les retrouve en fermant le livre : Alors ?? Wozniak, lui, a
donné sa réponse entre temps : On rira tous au paradis.
P.-S. Qu’en sera-t-il des réveillons en ces temps maussades ? Noël à six ? Confondant les fêtes chrétiennes, Wozniak nous montre Jésus à table avec cinq disciples : Sans Judas
on ne commence pas…
Wozniak, Peut-on rire de tout ? 176 pages. Éditions du Seuil. ISBN 2021487849
Jacek Wozniak : « La satire fait office de tampon entre les autorités et la société »
Quand Jacek Woźniak, artiste et journaliste, s'est installé à Paris en 1982, la carrière de Jean Cabut, icône des dessins
satiriques, était en plein essor. Ils sont rapidement devenus amis et ont, entre autre, donné naissance à la collection de dessins Les Impubliables. Ils étaient alors loin de se douter
que Cabu serait assassiné le 7 janvier 2015 au nom d'Allah dans les locaux de Charlie Hebdo.
C'est dans le Marais, un quartier historique de Paris, que je rencontre Jacek Woźniak, à deux pas de
son studio et de la rédaction du Canard enchaîné. Je suis impatiente de rencontrer cet artiste provocateur et excentrique dont la vie a été, après tout, remplie de
succès.
Tu t'es vu sans Cabu ?
Ses articles ont été publiés dans des journaux comme Le Monde, Libération ou Le
Canard enchaîné, sans parler de ses photos, de ses posters ou encore de ses pochettes de CD très prisées. Il a également collaboré avec des gens comme Manu Chao ouArchie Sheep. À mon grand étonnement, Woźniak s'avère être très modeste et accessible. Il me salue en me disant « Appelle moi Jack »,
alors que je pourrais bien être sa fille. L'espace d'un instant je me demande si les choses seraient différentes si nous étions en Pologne.
La Pologne que Woźniak a laissée derrière lui était un pays hostile aux artistes indépendants, la censure et la propagande y fleurissaient à chaque coin de rue.
L'artiste a trouvé refuge en France, où le public a apprécié son style original qui rappelle les oeuvres de Joan Miro, Vassily Kandinsky
etconsorts.La simplicité et le pouvoir expressif de ses peintures créent un medium qui interpelle et qui est capable de diffuser efficacement des
contenus et des messages satiriques. L'oeuvre de Jacek Woźniak déborde d'énergie et de couleurs.
C'est cette couleur qui a amené l'artiste à devenir ami avec Jean Cabut, plus connu sous le nom de « Cabu ». « C'est moi qui coloriait ses dessins car les couleurs ne
l'intéressaient pas, se souvient Woźniak. Il utilisait des crayons de couleurs pour enfants, c'était du Cabu tout craché. Les premiers dessins sur lesquels j'ai travaillé étaient
ceux du Club Dorothée, le programme qui a donné à Cabu sa popularité.»
Après la fusillade à Charlie Hebdo, au cours de laquelle Cabu a été assassiné, les Français ont vu une partie de leur enfance s'envoler : le défunt
dessinateur avait joué un grand rôle dans leur passage à l'âge adulte. « Ce n'est qu'une semaine après la tragédie que j'ai enfin reconnu qu'il était mort, explique Woźniak.
C'est intéressant de penser que les frères Kouachi (les tireurs, ndlr) ont grandi en France et ont sans doute même regardé le Club Dorothée », ajoute-t-il avant de
reprendre son souffle. « Quelque chose a dû se passer dans leur vie. Les gens disent souvent qu'un passage en prison change un homme. »
Nous nous rencontrons deux semaines après la fusillade : la France entière est encore en deuil et le monde se laisse aller à des tendances islamophobes entretenues
par le discours populiste des partis politiques tels le Front National ou UKIP. Pegida sort de sa cachette
à Dresde (Allemagne) pour
cracher ses slogans racistes. Pourtant, selon Woźniak, les politiques du terrorisme ne devraient pas être utilisées pour excuser ou restreindre car il s'agit d'une sphère complexe et
confidentielle. « Il y a beaucoup d'éléments auxquels nous n'avons pas accès, mais cela reste des jeux économiques. La religion joue le premier rôle, la politique n'a rien à voir
là-dedans », explique-t-il.
Et puisque cette sphère confidentielle est vouée à rester confidentielle aussi longtemps que possible, les systèmes éducatifs du monde entier s'attachent de moins à
moins à élever des individus à faire preuve d'esprit critique. « Aujourd'hui, on apprend aux enfants à ne s'opposer à rien : on leur apprend qu'il faut gagner de l'argent, rien
d'autre », Woźniak critique sans ménagement l'influence du capitalisme sur l'éducation. « L'éducation en Europe est un système artificiel qui s'est perdu il y a déjà plusieurs
années. De nos jours, on n'apprend plus aux jeunes la tolérance mais comment réussir à un examen », commente-t-il.
Alors, quel est donc le lien entre l'instruction, l'éducation et la liberté dans notre société démocratique ? « Aux obsèques de Tignous (un des dessinateurs de Charlie tué dans les attaques, ndlr), Christiane
Taubira a dit que nous avions l'impression d'avoir déjà tout, y compris la liberté d'expression. Mais la liberté n'est pas quelque chose que l'on obtient une bonne fois pour toute, c'est un
processus qui doit être maintenu en permanence », explique l'artiste.
Le problème ce n'est pas la religion, c'est l'argent
Même s'il vit à Paris depuis 33 ans, Jacek Woźniak retourne fréquement en Pologne, qui a pris le mauvais chemin en alimentant un capitalisme
assoiffé qui transforme les Polonais en une armée de consommateurs conformistes. « Ce ne sont pas ces changements que nous voulions », me dit-il. Il admet cependant que la
Pologne n'est pas le seul pays pris au piège des griffes du veau d'or. « La consommation et la religion sont deux formes de manipulation. La religion est aussi une forme de contrôle
de l'esprit, explique l'artiste. Mais quand on contrôle un groupe de gens, quand quelque chose comme l'État islamique - qui croule sous le pétrole brut - se forme, ce n'est pas la
religion le problème, c'est l'argent. »
Les hommes politiques qui posaient pour les photos, lors de la marche Républicaine du 11 janvier, auraient sans doute beaucoup à nous dire sur l'importance du rôle
joué par l'argent. Près d'un million et demi de gens ont marché dans les rues de Paris pour rendre hommage aux victimes de la fusillade et condamner une attaque contre la liberté d'expression.
« La liberté d'expression n'est pas une liberté partielle. » Woźniak se souvient de ses années en Pologne, quand il travaillait aux côtés du mouvement
Solidarnosc et écrivait pour les magazines politiques Polytyka etWryj, ce dernier qu'il a lui-même
fondé. « Quand je travaillais pour les journaux Polityka et Życie, chacun des magazines avait son propre censeur. »
Il n'y en avait aucun en France en 1982 quand Woźniak est arrivé. À la place, existait une sorte d'auto-censure fondée sur les coutumes et le
capitalisme. « Aucun des journaux traditionnels ne voulait publier des dessins du Pape - cela aurait été tout simplement inapproprié, se souvient-il. Et puis il y
avait les publicités - on ne pouvait se moquer de Bouygues dans un journal qui publiait ses annonces publicitaires. »
À chaque cour son bouffon
Peut-on donc rire de tout en Europe ? Comment doit-on aborder la question du blasphème dans des sociétés aux cultures et religions multiples ? « Dans une société comme celle-ci,
si l'on doit prêter attention à tout et à chacun, on arrive à rien. Ou alors on se retrouve avec une société bien sous tous rapport et très artificielle. Rien d'autre que du plastique,
affirme Woźniak. On a besoin de conflits pour avancer. Échanger des points de vues permet de réaliser que ceux qui ont le pouvoir et l'argent ne sont pas les seuls à avoir raison.
»
Dans une société libérale, le refus, la moquerie, la caricature, la comédie et le grotesque sont les éléments clés d'une critique constructive. « La satire
fait office de tampon entre les autorités et la société. Elle amortit le choc. Si les papes catholiques et les imams musulmans avaient leurs propres bouffons, il n'y aurait aucun problème, aucune
tragédie. »
Bien qu'il soit difficile de ne pas reconnaître le sens des conclusions logiques que tire Woźniak, elles soulèvent tout de même une question : est-ce que les actions
de fanatiques aveuglés par la guerre sainte ont quoi que ce soit à voir avec un raisonnement logique et éclairé ? La compréhension et la solidarité apaisent nos peurs quant au futur, mais
suffiront-elles à prévenir de tels évènements ?
On se souvient encore de ces kalachnikovprenant en visée des crayons désarmés. Là se trouve le meilleur symbole de l'inéquité de ce combat
schizophrène.
AuteurKatarzyna Piasecka
TraducteurElodie Red
MINI BIO par la police sécrete polonaise (SB)
ADEWOZ
De la plume au pinceozzz Il était une fois, l’histoire d’un homme né sur Terre avec des idées insoumises, un esprit poétique et une plume colorée aussi douce qu’acérée. Telle pourrait être la phrase introductive servant à présenter Jacek Wozniak qu’on ne présente d’ailleurs plus. Fidèle dessinateur depuis 1986 au Canard Enchainé, ce drôle d’oiseau a migré de sa Pologne natale la France, niché dans plusieurs rédztioas, volé avec Manu Chao, Ramon Lopez et Archie Shepp, diffusant toujours plus sa sympathie et son rire caustique au-delà des frontières. Depuis peu, l’oisillon kazakh Adelinaa fait route à ses cotés dans la même mare, et plus encore, s’est unie à lui par le lien magnétique de l’amour de l’art. C’est donc à 4 mains qu’ils collaborent pour peindre des toiles aussi poétiques que mordantes. Leur fusion s’expose aux prémices printanières dans un joli ni parisien. Bö gestes. En voilà un nom d’exposition simple, stylisé et efficace ! Simple, stylisé et efficace, la recette est déjà bien connu des chefs étoilés caricaturistes, à ceci près que ce titre-ci traduit une délicate évolution : le trait satirique devient un bögeste d’artiste. Car oui, le texte et la portée narrative d’un dessin de presse ne doivent pas éclipser la démarche – le geste ! - artistique de son auteur ( quant à la böté, libre à chacun de l’interpréter ). D’ailleurs Jacek Wozniak a toujours été un artiste assumé, s’il s’est essayé vainement ( et heureusement ) à l’École des Beaux-Arts de Cracovie, il n’a pourtant jamais reposé son crayon et son pinceau, animé par un insatiable besoin de révéler et questionner des situations sociétales et sociales. Sa rencontre avec Adelina est celle d’un heureux hasard. Après avoir traversé l’Europe de l’Est en auto-stop, la jeune artiste fait escale à Paris où sans le sou, elle est accueillie par le DAL (Droit Au Logement) pour qui Jacek Wozniak prête fidèlement ses talents dans la création d’affiches de mobilisation. Lorsqu’elle lui présente courageusement ses dessins, Jacek Wozniak replonge instantanément dans ses souvenirs, ses propres débuts, à l’époque où il mettait à contribution celui qui deviendra son ami Cabu. Même sensibilité poétique, même bestiaire amusant, même attrait pour la couleur. Naturellement donc, elle est invitée à s’aiguiser les dents avec Scorbut (site en ligne, impulsé par Wozniak en 1998, réunissant un groupe d’illustres dessinateurs loin d’être malades!) . C’est encore naturellement, qu’ensemble, ils se mettent à peindre à 4 mains, lui commençant des toiles qu’il n’arrive pas à terminer, elle, venant spontanément les finaliser. Le duo Adelina et Wozniak est né ! Jeux d’esprit et esprit critique se répondent ainsi mutuellement quand la jeune femme intervient pour mettre en scène des personnages déjà figurés sous le pinceau de Jacek Wozniak. En maîtresse de l’ambiance, elle ajoute un décor imagé, une atmosphère intimiste et de joyeuses couleurs. Il faut dire que leurs deux univers se marient à l’unisson en partageant ce même goût pour une expression naïve peu soucieuse de l’académisme, simplifiant schématiquement les formes, pour donner naissance à un petit théâtre d’acteurs aux longs nez rectangulaires bariolés et aux membres spaghettis. En résulte des contes pour les grands, sauf qu’ici, ces petites histoires peinturlurées puisent leur inspiration dans la notre, celle que nous vivons et noircissons quotidiennement à coups de poésie, d’abus et d’âneries. Car oui, Jacek Wozniak déniche ses sujets au fil de l’actualité, mais aussi lors de ses promenades, rencontres, et autres rêveries wo-Zzz-zniakiennes. C’est ainsi qu’un soir en balade, il tombe sur la scène d’un mendiant emmitouflé sous une couette, adossé à un kiosque dans la pénombre. A quelques mètres de là, un autre kiosque, éclairé, affiche fièrement une annonce déployant une oeuvre de Klimt, où le corps d’une femme est enveloppé d’or. L’association d’idées surgit et prend forme dans la série Street Art de vivre, représentant des sans-abris emmaillotés de tapisseries mosaïquées. Le motif est à son tour décliné pour en faire un clin d’oeil à la mythique photo du couple de John Lennon et Yoko Ono, posant dans leur lit en signe de paix. Un détail, ou un sujet peut ainsi être remanié pour donner naissance à un panorama de situations farfelues. Les toreros dansants de la série Corrida Humaine de Adelina prend, par exemple, une tout autre forme sous le crayon de Jacek Wozniak qui y voit une arène où des taureaux assistent à un grotesque duel humain. Une scène satirique à souhait qui contribue à sublimer notre chère liberté d’expression et élever nos pensées avec le sourire. Merci eux ...
Anne-Laure Perressin
JACEK WOZNIAK Neix el 1954 a la ciutat de Cracòvia (Polònia). Viu a França des de l’any 1982. És dissenyador, il·lustrador, pintor i caricaturista Després de publicar les seves primeres caricatures a l’època d’estudiant, s’uneix a l’equip del diari Polytyka censurat com tots els diaris a la Polònia comunista. Forja el seu propi estil a base de símbols ja que la situació política no li permet criticar obertament les autoritats. Dissenya butlletins per a Solidarność i és el fundador del primer diari independent polonès de caràcter satíric, Wryj, que no agrada al poder del moment i és empresonat el desembre de 1981 a l’“estat de guerra” que inicia Wojciech Jaruzelski. Al cap de tres mesos li concedeixen la llibertat a condició que abandoni el país. Se li concedeix exili polític a França i es trasllada a París amb la seva família (1982). Nacionalitzat francès uns anys més tard, treballa i col·labora amb diversos diaris, setmanaris i revistes mensuals coneguts a França, com Libération, Playboy, Lire, L’Expansion, L’Événement du Jeudi, fins que l’any 1986 el setmanari satíric Le Canard Enchaîné el contracta. Des de llavors continua dibuixant les seves cròniques al setmanari i col·labora amb Le Monde, Le Monde Diplomatique i Le Nouvel Observateur. Pintor i il·lustrador, ha publicat diversos llibres, entre els quals: I Love Moscou (Cherche Midi Editeur), Révolution (Albin Michel), Abécédaire partial et partiel de la mondialisation, amb Ramón Chao i Ignacio Ramonet (Plon), Sibérie m’était contéee?, amb Manu Chao (Mille Paillettes). Artista gràfic de cartells, dibuixa, entre d’altres, cartells per al Consell Europeu, per al Campionat del Món d’Atletisme de París i per a festivals de jazz i de teatre. En l’àmbit dels dibuixos animats, realitza diversos treballs, entre els quals destaquen la seva participació a les sèries Les droits de l’enfant per a la primera cadena de televisió francesa (TF1) i Dure du Mur per a la segona cadena francesa de televisió (France 2), i diversos curtmetratges: Nazo Kanisa Yo, Van Gogh y Ceremonia (2001), amb una banda original composta per Archie Shepp i Kyoto Misique (2002), que compta amb la col·laboració de